Homélie du dimanche 30 octobre 2022 – 31ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Frères et sœurs bien aimés,

les lectures de ce jour nous renvoient à une double certitude basée sur la Révélation qui est unifiée par un élément fondamental de notre foi, à savoir, l’amour de Dieu.

Dieu nous aime. Dieu nous a créés et nous a sauvés par amour, par sagesse et avec amour ; c’est une certitude inébranlable, notre maison basée sur le Roc. Nous savons que Dieu a voulu créé librement et par amour.

Et le livre de la Sagesse dont nous avons eu un extrait en première Lecture nous montre que le Seigneur a créé et il aime toute créature ; tout ce qui est, est créé et voulu par l’amour de Dieu… Il n’y a aucune créature visible ou invisible, aujourd’hui, d’hier ou de demain, qui ne soit voulue par Dieu et aimée de lui. C’est une certitude fondamentale de notre foi chrétienne, de la Révélation divine (la Révélation chrétienne étant une autorévélation de Dieu, non pas une déduction théologique).

Nous sommes invités à revisiter notre vie, le parcours de notre vie, notre vie dans son ensemble, pour voir que cet amour de Dieu est là pour illuminer, et imbiber, vivifier, toute notre vie. Même Satan a un être qui est bon ! Il faut distinguer sa déviation, sa perversion, de son être qui est bon en soi. Tout dans l’univers est bon !

Nous sommes invités à regarder notre vie et la vie du monde avec cet éclairage ; tout sort des mains de Dieu avec beauté et bonté ; et nous sommes appelés au Royaume de Dieu qui est bonté et beauté… Alors, le parcours intermédiaire est parfois douloureux : c’est autre chose ! Mais cela est comme un cadre (comme dans un tableau) qui soutient, qui éclaire, qui nourrit, qui féconde notre vie, nos pensées, nos choix, nos décisions, nos actes. Un chrétien ne peut être qu’optimiste, voir les choses dans la joie de Dieu et dans l’espérance ; et dans les temps qui courent – d’ailleurs les temps passés ont été aussi difficiles que les nôtres – nous sommes appelés à vivre d’abord, avec conviction, mais aussi à témoigner de cette optimisme qui n’a rien à voir avec la naïveté ou l’irresponsabilité… de voir que toutes les difficultés qui existent dans la vie personnelle, la vie conjugale, la vie familiale, la vie communautaire (au niveau monastique), la vie politique, la vie nationale, internationale, a des facteurs négatifs, parfois dramatiques, c’est la réalité… mais en tant que baptisés, nous ne pouvons pas nous arrêter à un constat défaitiste, angoissé et négatif, en disant « tout est fichu, quoiqu’on fasse, on n’y arrivera pas ! ». Cela est faux et c’est un manque d’espérance.

Tenir les deux paradoxes : oui, il y a une gravité de la situation mais en même temps, le Seigneur est là, il a toujours été là, et il sera toujours là… comme dit l’auteur de l’Épitre aux hébreux : « Le Christ Jésus est le même, hier, aujourd’hui et pour l’éternité »… il n’a pas changé !

Même si le Mal fait beaucoup de bruit, beaucoup de fumée et beaucoup de souffrances, la vérité fondamentale, c’est que Dieu a créé l’univers, l’humanité, et que nous sommes aimés tous et chacun, tous les êtres humains, pas simplement les catholiques pratiquants… nous sommes tous aimés par le Seigneur.

Cette révélation est comme un grand fleuve : Dieu créée avec sagesse et par amour ; et ce fleuve s’élargit jusqu’à la venue de son Fils Jésus, vrai Dieu, vrai homme, qui est venu pour nous donner la plénitude de la Révélation, mieux encore : Dieu lui-même. Quelle est cette Révélation ? C’est que Dieu se donne lui-même ! Il ne donne pas quelque chose, il ne donne pas beaucoup de choses… il se donne lui-même : afin que l’homme soit déifié, divinisé – c’est un peu toujours ce qui habite certains scientifiques d’aujourd’hui : l’immortalité, que l’homme devienne Dieu ! – Ils arrivent un peu en retard, ils n’y arriveront jamais de toute manière, parce que Dieu dès le départ veut que l’homme devienne Dieu, participe à sa Vie.

Cet amour de Dieu qui se manifeste pleinement dans la Personne de Jésus, vient nous prendre, y compris au cœur de notre péché. Et ce passage évangélique de Zachée – bien connu – vient nous fortifier encore dans cette certitude :

Zachée était un homme peu recommandable au niveau de la vie sociale de son époque : il était collaborateur, chef des collaborateurs, détournait l’argent… il était mal vu, et à juste titre !

C’est lui que Jésus choisit ! Comme il a choisi Lévi son apôtre, l’un des douze… notre foi est basée aussi sur l’un des douze qui était un pécheur public, Mathieu, Lévi !

Et là, on a un autre Lévi, celui qui s’appelle Zachée (et alors lui, c’est le chef en plus…) et qui collecte l’impôt – ce qui en soit n’est pas un péché, c’est une nécessité sociale – mais il avait une marge de manœuvre (qui n’existe plus heureusement) qui permettait d’adapter l’impôt en fonction de ses désirs personnels et de ceux de ses collaborateurs… évidemment, c’est un peu plus délicat. Il le faisait aussi pour l’occupant romain, donc c’est encore beaucoup plus singulier.

Cet homme est touché par la grâce, et il cherche à voir Jésus ; alors, il a une attitude qui est presque infantile, qui est belle, mais enfin pour un trésorier payeur général, c’est un peu curieux. Ainsi, il part, il veut voir Jésus mais il est de petite taille, et donc il monte sur un arbre, c’est un peu étrange… mais il veut voir Jésus.

Il y a quelque chose qui habite Zachée. Il y a un désir dans Zachée. Il y a quelque chose, il est attiré par Jésus, parce qu’il sait très bien que sa vie n’est pas claire ; quand on pèche, on sait très bien qu’on n’est pas dans les clous ; à part d’être complètement anesthésié mais autrement nous savons très bien que nous faisons le mal ! On sait très bien quand on fait le bien ou le mal.

Zachée est attiré par Jésus. Et Jésus vient l’appeler. Et tout change, tout change. Il y a déjà une dynamique qui habite Zachée : il se met à courir, puis à grimper – il ne monte pas sur l’arbre – il grimpe, c’est-à-dire, il y a une agilité. Et Jésus arrive. Et Jésus le regarde, et il dit : « Zachée, descend ! ». Zachée est appelé, non seulement à descendre de l’arbre évidemment, mais descendre de sa façon de regarder Jésus et de regarder les autres. Zachée regardait les autres en hauteur (lui qui est petit en plus), il regardait les gens de haut et de loin… Jésus regarde Zachée. Zachée descend, et Jésus lui demande d’être accueilli chez lui. Bouleversement. Il ne lui fait pas de reproches ; Il ne lui dit pas : « mais tu connais ta vie un peu ? »… Non ! Jésus l’accueille tel qu’il est, dans son état de pécheur public et reconnu comme tel !

Et Zachée est transformé ! Est transformé parce que ce désir qui l’habitait, presque inconscient, presque non identifiable ; et bien, Jésus met un mot sur ce désir : c’est le fait de demeurer avec Dieu. Jésus lui dit : « Aujourd’hui, je veux demeurer avec toi, dans ta maison ».

C’est aujourd’hui, pas demain !… « Quand tu seras converti, quand les choses iront mieux »… aujourd’hui. Et : « Je veux demeurer chez toi ».

Zachée est retourné par cette situation – c’est qu’il ne s’y attendait pas…

Le Seigneur n’attend pas que nous soyons meilleurs pour nous appeler (il pourrait attendre longtemps…). Le Seigneur nous appelle tel que nous sommes mais pour changer, pour avancer, pour comprendre que nous avons été créés par amour, et rachetés par amour. Et que si nous ne rencontrons pas Jésus, et ne nous laissons pas saisir par lui, tout le reste sera tout à fait superflu. Nous ne serons pas touchés ; nous pouvons réciter des actes de foi (surtout si nous n’y croyons pas), réciter des prières, etc… mais si nous n’avons pas cette rencontre profonde avec le Seigneur Jésus, tout cela sera de la pommade sur de l’inox. Cela ne servira à rien !

Nous sommes appelés à accueillir aujourd’hui Jésus dans notre vie, chacun et chacune d’entre nous, ce matin… de l’accueillir tels que nous sommes…j’espère qu’il n’y a pas un trésorier payeur général… mais nous sommes tous appelés à accueillir Jésus dans l’état où nous sommes.

Et à partir de là, de demeurer en Jésus, de demeurer. C’est un changement d’orientation, un changement de contenu ; ce n’est plus une question de « si on a fait le bien ou le mal », c’est le fait d’accueillir Jésus et de nous laisser saisir par lui, et aimer par lui. De ne plus avoir peur de notre passé, de notre présent, de ce que les autres pourraient dire de nous, sur nous… même à juste titre ; de nous laisser saisir par l’amour de Dieu. Il n’y a que l’amour qui rend libre, et aussi, il faut être libre pour aimer : c’est comme un cercle.

Nous sommes appelés à nous laisser saisir par l’amour de Dieu, et changer. Et là, Zachée change ; il dit : « Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres ; et je rendrai quatre fois plus ». Quatre fois plus, ce n’est pas un chiffre au hasard… c’était ce que le droit, du temps de Jésus, demandait pour les peines maximales : quelqu’un volait un cheval, il fallait rembourser quatre chevaux, etc… cela a une signification juridique à l’époque de Jésus. Ainsi, Zachée s’applique à lui-même la peine maximale, si vous voulez. Et donc, il va rembourser l’argent qu’il a racketté.

Pour nous, nous sommes appelés à mettre de l’ordre. La vie chrétienne : il n’y a pas d’abord une addition de possibilités ou d’interdits, c’est une histoire d’amour !

Est-ce que nous vivons notre vie de baptisé comme une histoire d’amour ou comme une série d’obligations ?

Aujourd’hui, nous pouvons demander cette grâce que chacun et chacune d’entre nous, nous abordions notre vie de chrétien – d’homme et de femme, d’enfant, de vieillard – comme une aventure d’amour… nous laisser saisir par le Christ. Dire : « aujourd’hui, je change de type de relation, de contenu de relation ». Bien sûr qu’il y a des interdits et des choses possibles, c’est évident… mais la situation fondamentale n’est pas là ; c’est un mouvement, une dynamique d’amour, d’agapè, qui jaillit du cœur de Dieu – Dieu qui nous a fait à son image et ressemblance – et donc d’agir à cette image et ressemblance.

Frères et sœurs, si Dieu est amour, si Dieu nous aime, quelle attitude avons-nous les uns envers les autres ?

Quelle attitude avons-nous envers ceux qui ne sont pas chrétiens, qui ne sont pas croyants ? Est-ce que notre attitude est une attitude d’amour qui reflète la volonté de Dieu, le cœur de Dieu ? Ou sommes-nous comme des personnes qui peuvent prendre des Paroles de Dieu, mais comme dit le Pape François : « les lancer au visage des autres comme des pierres » ?

Nous sommes appelés à nous laisser transformer profondément dans nos pensées, nos choix, nos paroles (on peut tuer par les paroles), par nos actes, par nos décisions. Nous sommes en chemin, nous sommes tous pécheurs : on avance, on tombe, on se relève… mais l’axe central est-il celui d’un reflet de cet amour de Dieu envers toutes les créatures ?

Sommes-nous pris par une espèce de critique chronique permanente, un virus qui voit tout de travers, qui critique l’univers entier, qui n’est jamais satisfait ni de lui-même, ni des autres ? Nous sommes appelés à une conversion, mais qui n’est pas le fait de manger tel aliment ou pas tel aliment – ça peut aider sans plus ; c’est le fait de regarder toutes les créatures et tout être humain comme un enfant de Dieu ; et de l’aimer !

Alors, là, oui ! Nous serons en mission, nous pourrons témoigner de cet amour de Dieu, et non pas d’un règlement à appliquer de manière universelle, spontanée, et si possible militaire, pour que tout le monde soit au garde à vous devant ce que nous pensons ou désirons. Nous sommes appelés à cette transformation intérieure :

1 : accueillir Jésus dans notre vie, à frais nouveaux.

2 : de demeurer avec lui ; si nous ne demeurons pas avec lui, nous demeurerons avec soi-même, c’est-à-dire avec beaucoup de complications.

3ème élément : nous sommes appelés à changer notre regard, notre cœur, notre attitude, pour que notre agir, notre vie morale, soit en conformité, et témoigne de cet amour inconditionnel de Dieu.

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