Homélie du Dimanche 4 juillet 2021 – 14ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Jésus s’étonnait de leur manque de foi.
Il s’en étonnait et il en souffrait : de ce que son identité profonde, c’est-à-dire la face cachée invisible aux yeux corporels, n’était pas saisie par son entourage, à commencer par sa parenté. À l’exception de Marie et de Joseph, qui même s’ils ne comprirent pas dès le début de sa vie publique toute la dimension de cet enfant qui leur était confié par le père (pensons au « recouvrement au Temple » : « ils ne comprirent pas ce qu’Il lui disait » dit l’évangéliste) ; Marie et Joseph, qui, parce que dociles au Saint Esprit, grandirent dans l’intelligence de l’identité profonde de Jésus. Ce Jésus qui a dit un jour : « Qui sont mon père et ma mère, sinon ceux qui font la volonté du Père ».
Jésus a souffert de cette incompréhension et même du rejet par les autorités de son peuple, de sa Personne d’Envoyé du Père. Comme « Il souffre » aujourd’hui du manque de foi dans le monde, de nos manques de foi. Mais Jésus, aujourd’hui, souffre-t-il alors qu’il est dans la gloire du Royaume ? Vaste question !
Je voudrais seulement répondre en citant cette expression merveilleuse forgée par St Bernard : « Dieu ne peut pas souffrir, mais Il peut compatir ».
Notre Dieu n’est pas le moteur immobile d’Aristote ! Jésus avait un cœur humain quand il vivait parmi les hommes, un cœur sensible comme le cœur de tout homme ! Ce cœur continue de battre en Lui au sein de la Trinité. St Bernard parlait « du grand mystère de compassion de Dieu ».
La compassion de Jésus n’est pas « à fleur de peau » ; c’est un bouleversement de son être. Pensons à Lazare, quand Jésus va le rejoindre près du tombeau. « Jésus pleura » nous dit l’évangéliste. Jésus frémit intérieurement. Ou bien lorsqu’en entrant dans la ville de Naïm, Il rencontre une femme qui marchait derrière le brancard de son fils mort : « le Seigneur » nous dit l’évangéliste « fut saisi de compassion pour elle ».
Il n’y pas de compassion sans passion. Celui qui compatit vraiment, pâtit lui-même. La compassion est une communion dans la souffrance. Si Jésus souffre de l’indifférence ou de l’hostilité à son égard, il ne s’en étonne pas… Il connait le cœur de l’homme… Il sait que ceux qui aujourd’hui lui sont opposés, pourront demain devenir ses disciples. Pensons à la conversion de St Paul.
Les Actes des Apôtres nous disent qu’après l’Ascension, se retrouvèrent dans la chambre haute, non seulement les « onze » mais aussi unanimes avec eux, quelques femmes dont Marie la mère de Jésus et les frères de Jésus. On peut imaginer que Marie jouait un rôle important dans le cheminement des frères de Jésus.
Eux qui se moquaient de Lui, qui disaient qu’Il avait perdu la tête. Les voici en prière avec Marie, avec les « onze » au Cénacle, le jour de la Pentecôte, dans l’attente de la venue de l’Esprit que Jésus leur avait promis.
Cela nous enseigne que la foi est née en leur cœur, qu’elle a grandi, qu’elle s’est fortifiée selon un rythme différent de celui des onze autres apôtres. Les évangiles ne nous disent pas ce qu’ils deviendront mais on peut aisément imaginer qu’ils seront des pierres vivantes dans la première communauté judéo-chrétienne sortie du Cénacle à la Pentecôte.
Notre ignorance par contre de ce que pouvait être la foi du centurion : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri », en l’entendant, Jésus fut plein d’admiration. Le centurion ne savait pas de Jésus ce qu’il nous est donné de savoir aujourd’hui mais il ouvre son cœur à Jésus. Il pressent en Lui non seulement un Seigneur mais un Sauveur.
Jésus voit ce qui est en nous. Y trouve-t-il la foi du centurion ou l’incrédulité des gens de Nazareth ? De quoi Jésus aurait-il lieu de s’étonner ? De notre foi ou de notre incrédulité ? Mais la foi ne suffit pas, il faut aussi l’espérance. « L’espérance, une flamme tremblante à travers l’épaisseur du monde. Une flamme impossible à éteindre ; impossible à éteindre au souffle de la mort. Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance et je n’en reviens pas ! » nous dit Péguy.
Les habitants de Nazareth étaient probablement de braves gens ; ils étaient habitués à voir Jésus accompagner sa mère à la fontaine du village pour y puiser de l’eau, ils le voyaient jouer avec les autres enfants de Nazareth ; et devenu plus grand, ils le voyaient auprès de son père Joseph, travailler le bois et à manier l’équerre. Bref, un enfant comme les autres !
« Un enfant, écrit St Syméon, le nouveau théologien, Jésus se montrant totalement homme sans rien offrir d’autre au regard que les autres hommes, mais mangeant, buvant et dormant, suant, se fatigant, et accomplissant, hormis le péché, toutes les actions humaines ».
Mais il fallait quelque chose de plus pour discerner en cet Enfant devenu adulte, le Messie, l’Envoyé de Dieu… plus qu’Elie, plus que Jean Baptiste… le Fils du Dieu vivant !
Ce quelque chose en plus que nous appelons la foi, et que Pierre confessera : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » ; et Thomas que nous fêtions hier : « mon Seigneur et mon Dieu ».
Pour éveiller la foi dans le cœur de ses compatriotes, Jésus n’a pas voulu forcer la porte de leur conscience par des signes prodigieux qui se multiplieraient au long des jours. De nos jours, et jusqu’à la Parousie, ces signes de la puissance de Dieu se manifestent dans la vie de l’Église qui en est le témoin, et aussi dans le monde, y compris le monde le plus éloigné de l’Église.
Demandons au Seigneur pour nous-mêmes et pour le monde, que grandisse la foi, la foi en Dieu Créateur, bon et ami des hommes qui maintient tout dans l’existence et qui nous a créés fils et filles de Dieu ;
foi en Jésus son Fils, qu’Il a envoyé dans le monde pour le racheter du péché et pour qu’Il reçoive la vie divine qu’Il nous communique par son Esprit ;
foi en l’Église, assemblée de pêcheurs pardonnés, que le Christ maintient avec Amour dans les tempêtes de ce monde, pour y témoigner inlassablement la fidélité de son Amour.
L’Église, c’est-à-dire chacun de nous, qui veut faire sienne cette Parole de Jésus à Paul :
« Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». Amen !