Homélie du dimanche 4 septembre 2022 – 23ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Frères et sœurs bien aimés, ces paroles de Jésus sont fermes, exigeantes, fortes.

Ces paroles de Jésus s’adressent à tous ; elles ne s’adressent pas qu’aux successeurs de Pierre, aux cardinaux, aux évêques, aux moines cisterciens, aux chanoines prémontrés, elles s’adressent à tous et à chacun… non pas simplement aujourd’hui ou il y a deux mille ans, mais dans toute l’histoire de l’Église et sur toutes les latitudes, longitudes, dans toutes les cultures, personne n’est exempté.

Pour suivre Jésus, il y a nécessité à se convertir de manière radicale. Jésus ne demande pas du cinquante pour cent-cinquante pour cent… 99,9 %… il demande tout ; et tout le temps. Jésus ne demande pas de rentrer dans une espèce de compromis, de marché, ou de vivre dans une espèce de douce médiocrité où on fait le « minimum syndical » pour vivre en chrétien ; comme dit le pape François : une vie chrétienne à l’eau de rose !

Jésus s’adresse à chacun et à chacune d’entre nous ce matin, tous les membres de l’Église et toute l’humanité ; Jésus nous demande une conversion radicale et permanente, ce n’est jamais fini. Toujours revenir vers lui, garder le regard de notre âme fixée sur le Christ Jésus mort et ressuscité.

Pourquoi, frères et sœurs, Jésus nous demande une telle radicalité ? C’est très simple : il nous demande de changer de vie. Quand un malade, gravement malade, doit être soigné, le médecin prend des moyens radicaux pour sauver la vie du malade… sinon le malade va mourir. Bien, au niveau de notre vie surnaturelle, la vie de grâce, le Seigneur prend des moyens radicaux, surnaturels, qui demandent une radicalité pour être sauvés.

Le but de notre vie est de rentrer dans le bonheur de Dieu. Mais il y a un combat, un défi ; nous n’allons pas avec un ascenseur au ciel ! Il y a une nécessité de porter sa croix ; et porter sa croix, ça fait mal.

La vie chrétienne est exigeante, ce n’est pas une sagesse, une construction intérieure, comme certaines personnes peuvent le faire : on construit son temple intérieur par soi-même… pas du tout ! On ne se sauve pas par soi-même ! L’unique Rédempteur, l’unique Médiateur, c’est le Christ Jésus ! Il n’y en a pas d’autre ; même pour ceux qui ne le savent pas. Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes par notre propre sagesse, notre savoir, notre vaste culture (encore faut-il l’avoir !)

Nous sommes appelés à accueillir la Personne de Jésus pour changer de vie. Et quelle est cette radicalité ?

Nous passons de l’aspect naturel – qui n’est pas supprimé, qui est bon, qui est voulu par Dieu, il faut aimer son père et sa mère, il faut aimer sa femme ou son mari, ses enfants, c’est évident – mais Jésus nous appelle à un amour de préférence. Jésus emploie ce mot : c’est la préférence ! À qui je donne la priorité ? Nous sommes appelés à donner la priorité au Seigneur Jésus, à l’Esprit Saint, au Père ; et quelle est cette finalité ? C’est de rentrer dans l’adoption filiale. La prière d’ouverture que l’on appelle la Collecte, nous disait de recevoir l’adoption filiale : nous sommes sauvés ; et nous sommes devenus par le baptême et par la foi, fils et filles de Dieu ; ce n’est pas une façon fictive de parler, virtuelle !… on serait fils et fille de Dieu, ça fait joli, c’est bien, ça nous réconforte, c’est sympathique… non ! Le baptême nous a radicalement changés ! Il a enlevé en nous le péché originel, les péchés personnels si nous sommes baptisés à l’âge adulte, il nous a fait membre de l’Église, pierre vivante de l’Église ; il nous a fait fils et filles de Dieu dans le Fils unique qui est Jésus, pour vivre de la vie trinitaire.

C’est là où il y a ce changement radical, qui ne supprime pas la vie naturelle mais qui est une ouverture à la vie de Dieu. Cela demande une radicalité : nous ne pouvons pas d’un certain côté vivre comme un païen ; on peut être baptisé et vivre comme un païen ! St Augustin le disait déjà il y a quelques siècles : « Il y a des membres de l’Église qui sont hors de l’Église, et il y a des personnes qui sont hors de l’Église, mais qui sont membres de l’Église ». Il ne s’agit pas tout simplement de porter un habit, d’avoir une chasuble, une soutane, ou une calotte pour être membre de l’Église… il faut vivre de la vie de Jésus et se convertir ! Sinon on fait du cinéma… qui plus, sera gravement sanctionné.

Nous sommes invités à prendre la parole de Dieu au sérieux. Dieu nous appelle à cette radicalité pour notre bonheur. Ce n’est pas une exigence pour avoir un aspect de pénitence, en soi (même s’il y a un aspect de pénitence qui est nécessaire), mais ce n’est pas le but ! Le but, c’est le bonheur de vivre avec le Seigneur. Cela demande un changement dans notre vie. Comme le médecin qui donne des médicaments ou qui fait une opération douloureuse : c’est pour le bien du malade ; ce n’est pas pour faire souffrir le malade. Mais cela va passer par des moments difficiles, une convalescence qui pourra durer, voire une forme d’invalidité : tout cela pour le bien de la personne, non pour lui faire du mal. Au niveau de notre vie spirituelle, de notre vie surnaturelle, nous sommes appelés à prendre la Parole de Dieu au sérieux. Jésus nous demande : « Aujourd’hui convertis-toi ! Et en amour de préférence, c’est moi qui doit être au premier rang ».

Là, on peut se poser la question : est-ce que Jésus est en première ligne dans notre vie ? Est-ce qu’il est vraiment au « hit-parade », au top de notre vie ? Ou est-ce qu’il est en 5ème position, 10ème position… encore plus bas ! Nous sommes appelés à accueillir cette vie, ce bonheur que le Seigneur veut nous donner mais cela suppose une exigence : de changer et de porter sa croix. Et quelle est cette croix ? Nous n’allons pas mettre un morceau de bois sur notre épaule pour avancer !… C’est d’accepter notre vie comme elle est ! Nous aimerions avoir une autre vie, souvent rêver d’une autre vie mais c’est une illusion ; le Seigneur nous appelle à vivre dans la réalité du quotidien, tel qu’il est. Et à avancer par amour avec lui. Jésus n’est pas venu supprimer la souffrance ou, avec un coup de baguette magique, changer l’univers ; il est venu nous appeler pour vivre avec nous, et nous avec lui, pour vivre ce mystère pascal, pour être sauvés. Que toute notre vie naturelle, toutes nos relations humaines, soient transformées, transfigurées par sa Présence et soient source de grâce.

Alors, tous les ennuis ne sont plus des ennuis en quelque sorte ! Ils le restent mais ils deviennent éléments de transformation pour notre sainteté. Plus rien ne nous arrête ! C’est ce cap que nous pouvons demander au Seigneur dans cette Eucharistie : de comprendre que ce changement n’est pas un changement spectaculaire.

Mais de prendre notre personne, notre situation, notre vie et de laisser Jésus prendre les commandes de notre vie, pour vivre tout ce que nous avons à vivre avec lui. Pas simplement pour lui mais avec lui et en lui. Dieu présent dans notre vie, concrètement, et pas de manière intentionnelle uniquement. De nous laisser ressaisir par lui, pour vivre ce mystère de la conversion : et surtout rentrer de manière concrète dans cette vie d’adoption filiale. Si nous restons avec de belles idées, ou au niveau intellectuel : on comprend tout mais on ne vit rien. Nous sommes appelés à rentrer au plus profond de notre être, à ce lien avec Jésus pour vivre notre vie – tous les éléments de notre vie, heureux et malheureux – dans cette Présence du Seigneur, rédemptrice, et de porter du fruit pour le Royaume de Dieu.

Cela va avoir un impact concret dans toute notre vie, et dans toutes nos relations ; on le voit dans la Lettre à Philémon (dans le corpus de st Paul) : c’est un petit billet où Paul s’adresse à Philémon qui est un notable (peut-être avec sa femme et son fils, peut-être un prêtre) et cet homme avait un esclave qui s’appelait Onésime ; et Onésime était parti, s’était enfui et l’avait volé (Philémon). Onésime se retrouve donc en prison. Paul dans ses liens – lui-même est prisonnier pour l’évangile – le convertit, par la grâce de Dieu et son ministère, et le baptise. Paul de sa prison écrit à son ami Philémon en lui disant : « Accueille Onésime, non plus comme un esclave mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé »… il l’invite à l’affranchir (pour nous, cela ne nous dit plus grand-chose) et à le considérer comme un frère dans la foi. Donc il y a une progression : le pardon, l’affranchissement, la liberté sociale et civique, et le considérer comme un frère. Cela vient du cœur de Paul et comme dit st Jean Chrysostome : « Cœur de Paul, Cœur du Christ ».

Nous sommes appelés, à la suite de Paul et à la suite de tous les grands saints et de nos frères ainés dans la foi, à changer notre comportement ; si cette suite du Christ, cet accueil du Christ dans notre vie, transforme notre vie, forcément elle va changer nos relations humaines ; et même le plus compliqué, même avec celui qui nous a volé, celui qui nous calomnie ou celui qui nous ennuie quotidiennement. Et bien, de changer ce type de relations et de vivre dans la charité, de considérer l’autre comme un frère, une sœur en Christ.

Alors, toute notre vie va être illuminée. Bien sûr, nous sommes en chemin, cet accueil du Christ est à renouveler tous les matins, tous les soirs, en permanence, mais de vivre de plus en plus unis à Jésus, lui qui ne nous quitte jamais. Mais aussi de laisser le Christ transformer notre esprit, notre cœur, nos mauvaises habitudes ou nos jugements négatifs sur les autres, pour vivre vraiment et laisser transparaitre dans nos actes cette miséricorde divine qui nous est donnée et que nous sommes appelés à partager.

Historique de nos Homélies