Frères et sœurs bien aimés,
Le Seigneur Jésus est venu accomplir la loi de Moïse et toute l’Écriture inspirée par son Esprit à travers les siècles ; Jésus est venu accomplir mais non pas abolir. Il est lui-même la plénitude de la loi nouvelle. Il est la Parole éternelle de Dieu, l’unique Parole qui résonne dans l’éternité. Dans sa Personne, il est la plénitude de la Parole divine, et de la loi nouvelle qui rétablit l’être humain dans sa dignité.
Frères et sœurs, dans ce récit évangélique que nous venons d’écouter, Jésus ressaisit les deux premiers commandements, à savoir : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force ; et tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; ces deux commandements résumant toute la loi.
Le Seigneur Jésus ne renvoie plus seulement l’être humain à ses propres forces mais à l’Amour du Père lui-même dont il nous communique l’Amour. Certes, l’homme est appelé par commandement et non par conseil, à aimer Dieu avec toutes les dimensions de sa personne humaine : corps, esprit, âme, et les facultés dont Dieu l’a doté : facultés d’intelligence et de volonté, mais plus encore à aimer Dieu comme Dieu s’aime lui-même.
Frères et sœurs, voilà le cœur du christianisme ! Le Père envoie son Fils, le Fils envoie l’Esprit Saint (l’Esprit commun du Père et du Fils), et nous communique l’Amour trinitaire pour ressaisir toute l’humanité et l’introduire dans la Vie trinitaire pour l’éternité. Voilà la destinée de l’humanité ! C’est de l’Amour même de Dieu, donné et communiqué par Jésus, que le genre humain va pouvoir aimer le Père par le Fils dans l’Esprit Saint.
Ainsi en va-t-il de même pour le second commandement. Le centre de référence, le point d’appui, n’est plus l’être humain en ses propres capacités ; plus précisément, n’est pas seulement l’être humain, en référence à son propre amour même si cela demeure. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » – encore faut-il s’aimer ! -… Le centre de référence est bien la Personne du Christ Jésus qui devient la source, le point pivot, de notre amour de l’autre et de tous les autres, sans exception.
Frères et sœurs, ce passage évangélique, « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés, demeurez dans mon amour », est vraiment le cœur de la Révélation chrétienne, nous faisant connaître qui est Dieu (Dieu est Amour) et son dessein éternel sur l’humanité du début à la fin et pour chaque être humain.
« Dieu est amour » nous dit l’apôtre Jean que nous venons d’écouter dans la deuxième lecture. Cet Amour est constitutif de l’Être de Dieu ; et tout ce qui sort des mains de Dieu – l’univers, l’humanité – ne se comprend que par, et dans, cet Amour trinitaire. Ce foyer brûlant d’Amour qui est la Trinité Sainte se révèle, se donne, se communique et veut nous faire participer à sa vie.
C’est l’annonce même de l’Évangile et du « pourquoi » de la mission de l’Église : annoncer, faire rayonner, communiquer la Vie et l’Amour trinitaire, sources de Salut, de guérison et de bonheur éternel. Puisque nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, cette vie de relation et d’amour est comme l’essence même de notre propre vie humaine.
Vivre de ce Dieu, vivre de ce Don…vivre de la réalité concrète (et non pas éphémère ou platonique) de ce Dieu d’amour, de ce Don d’amour, de Dieu qui se donne, qui se livre en son Fils et par Lui…est bien, la caractéristique de la vie chrétienne, de la vie de chaque baptisé.
Saint Jean emploie fréquemment le mot « demeurer », qui renvoie à une stabilité, à un état (on pourrait dire même à une sécurité). C’est au moyen de la foi, de la foi théologale, c’est-à-dire de la foi qui touche directement Dieu, que nous demeurons dans la Personne du Christ Jésus Ressuscité qui nous communique sa propre vie, et qui veut vivre avec nous dans un mystère de communion permanente. Jésus nous révèle aussi que par la communion à son Corps et à son Sang dans l’Eucharistie, cette Vérité se constitue et devient un état de fait : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui »… d’où la nécessité vitale pour le chrétien de participer à l’Eucharistie ! Si l’être humain a été fait pour aimer et être aimé, puisqu’il est à l’image de la Trinité, Jésus accomplit pleinement cette exigence de la nature humaine et nous donne d’y participer au-delà de ce que nous pouvons désirer ou même imaginer. C’est dans cette folie d’amour du Don de Dieu, qu’est la réalité même du christianisme, de la vie de l’Église, et la plénitude de la réussite humaine dans sa marche ici-bas.
Nous ne réussirons notre vie que dans la mesure où nous serons des Saints ! C’est le but de notre création et du rachat de l’humanité par le Christ sur la Croix.
Toute notre personne et notre vie sont donc comme immergées (et nous le sommes dans le baptême), immergées dans l’Amour de Dieu, en Dieu qui est Amour et qui ne peut être qu’Amour. De cette réalité, de cette certitude de foi, notre vie relationnelle sera comme transfigurée par le rayonnement même de cet Amour de Dieu qui nous habite et dans lequel nous vivons.
Nos relations entre baptisés, entre chrétiens, nos relations à l’intérieur même de l’Église, cette Église qui est le Corps mystique du Christ, dont le Christ Jésus est la tête, et nous les membres à travers l’espace et le temps, communauté de ceux et celles qui vivent, et veulent vivre, de la vie de Jésus, de la Vie trinitaire… nos relations donc intra-ecclésiales seront empreintes de cette qualité d’amour, de cette qualité d’agape, qui est le signe par excellence des disciples du Christ Jésus.
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »… Cet Amour nous conduit nécessairement par la colline du Golgotha et de la Croix, passage obligé ; passage obligé d’amour pour tout chrétien afin d’être configuré au Maître et Seigneur. Nos relations avec nos frères et sœurs en humanité non chrétiens, refléteront cet Amour dont le Père aime, veut aimer, et veut se transmettre à tous les hommes. Il a voulu se manifester par, et dans son Fils Jésus, dans la puissance vivifiante de l’Esprit Saint.
Frères et sœurs bien aimés, puissions-nous, avec la grâce de Dieu et soutenus par la prière de la Vierge Marie, notre Mère, rayonner dans notre personne et par toute notre vie, de cet Amour indéfectible et éternel de notre Père du Ciel, par son Fils, dans l’Esprit Saint. Amen !