Bien chers frères et sœurs,
Jésus vient de nous parler du mariage, c’est-à-dire de l’union de l’homme et de la femme, union dont il affirme qu’elle est indissoluble, car, je cite : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Dans l’évangile de Matthieu, en parallèle, on trouve le même propos ; les disciples lui disent : « Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’y a pas intérêt à se marier ». Je pense que bien des jeunes ou moins jeunes de notre société d’aujourd’hui se retrouvent dans cette réaction des disciples. Si telle est la condition du mariage, selon le dessein de Dieu, il n’y a pas intérêt à se marier ; peut-être, ajouteraient-ils : « Mieux vaut se pacser », ce qui est déjà, il faut reconnaître, une certaine forme d’engagement ; ou mieux vaut, dans le meilleur des cas, se contenter d’un mariage devant Monsieur le Maire.
Je ne veux pas ici, frères et sœurs, jeter l’opprobre en quelque façon que ce soit sur les réactions que je viens d’évoquer. Je sais que la vie de couple et de famille, particulièrement pour les jeunes, est difficile dans le monde d’aujourd’hui. Et l’Église n’est pas là pour condamner, mais pour tâcher d’aider tous ceux qui ont recours à elle, pour les aider à faire les pas qu’ils peuvent faire en les encourageant à prendre les bons chemins qui aident à construire une véritable union conjugale. Et reconnaissons encore une fois que cela n’est pas facile.
Je voudrais dire tout d’abord, en me référant au pape Benoît XVI, que le mariage en lui-même est un évangile, c’est-à-dire une bonne Nouvelle pour le monde d’aujourd’hui. Un monde, on le sait, largement sécularisé, déchristianisé. Or, le mariage est toujours lié à la foi. Sans la foi, on ne peut pas comprendre la beauté du mariage. Union d’amour fidèle et indissoluble, le mariage chrétien se fonde sur la grâce qui vient de Dieu, du Dieu Trinité, du Dieu un et trine, qui dans le Christ, nous a aimés d’un amour fidèle jusqu’à la Croix.
L’exemple, frères et sœurs, de ce qu’est une union fidèle et indissoluble nous est montré par Jésus lui-même. Jésus a aimé l’Église comme un homme doit aimer sa femme, c’est-à-dire en donnant sa vie pour elle, et en la donnant non seulement en parole mais en acte. Saint Paul le dit très bien dans sa lettre aux Éphésiens, je cite : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle… C’est ainsi que le mari doit aimer sa femme comme son propre corps… Celui qui aime sa femme s’aime soi-même ». Vous me direz peut-être que Jésus met la barre très haut et c’est vrai. On en revient à la réaction des disciples que je citais il y a un instant : « Si telle est la condition de l’homme et de la femme, mieux vaut ne pas se marier »… « C’est trop difficile pour moi »… c’est vrai, mieux vaut ne pas se marier si je crois que je peux parvenir à ce but par la force de mes propres bras. C’est pourquoi Jésus va nous montrer maintenant l’exemple d’un enfant en disant : « Si vous ne redevenez pas comme un petit enfant, vous n’y arriverez jamais ». Arrêtons-nous un instant, frères et sœurs, si vous le voulez bien, sur cette parole quelque peu énigmatique : « redevenir comme un petit enfant ».
Jésus nous dit par ailleurs : « Celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi ». C’est que pour Jésus, l’enfant, c’est le chrétien qui « se fait », le chrétien en devenir ; comme si Jésus nous disait : « Moi, j’ai pris l’enfant tellement au sérieux que j’ai versé mon sang pour lui » ; ainsi, nous dit Jésus : « Sache qu’en rencontrant l’enfant, c’est moi que tu rencontres ».
Ensuite, l’enfant c’est celui qui est sans défense. Il ne peut pas rivaliser avec l’adresse et l’expérience des adultes. Jésus nous met en garde. Quand vous voyez cet être faible, vous voyez un mystère divin, délicat et sacré ; car derrière l’enfant, il y a Dieu. L’enfant est sans artifices (du moins, ça ne dure pas très longtemps, mais au moins au départ !). Sans intention, il a la simplicité du regard et du cœur. Jésus, frère et sœurs, nous fait comprendre que la juste attitude en toute chose, dans le mariage comme ailleurs, c’est d’être comme lui, Jésus, dans une attitude filiale à l’égard du Père. Jésus, le Fils de Dieu, est lui-même le tout-petit du Père. Et en contemplant l’humanité de Jésus, nous découvrons ce que cela veut dire qu’être enfant selon l’évangile : c’est d’être dépendant en tout du Père. Cette relation filiale, nous l’avons entendu hier dans l’évangile, remplit de joie le cœur de Jésus. « Jésus exulta, sous l’accent de l’Esprit Saint, et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ». Et le tout-petit, c’est Lui ! Il nous apprend à rentrer avec lui dans cette relation filiale pour notre bonheur. On dit parfois que pour être un bon Père, il faut d’abord avoir été un bon fils. C’est probablement cela que Jésus veut signifier. Lui, a été toute sa vie et demeure pour l’éternité le Fils bien-aimé du Père. Et c’est là sa joie ! Il regarde le Père avec l’étonnement éternel de l’enfance. « Le Père, dit-il, est plus grand que moi. Et je ne cherche pas à le détrôner, je trouve là ma joie ». Le Père est plus grand que moi. La gratitude, l’eucharistie, est le principe de l’attitude de Jésus envers le Père.
« Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé ». Cette attitude, frères et sœurs, à laquelle Jésus nous invite aujourd’hui, nous permettra alors, si nous y consentons, de ne pas tomber dans le piège qui guette toute relation humaine, non seulement dans la vie de couple, mais dans toute vie humaine, à savoir : le piège du pouvoir, le piège de l’avoir et le piège du savoir.
Le pouvoir, frères et sœurs, est la grande tentation dans le monde d’aujourd’hui. On veut posséder l’autre, parfois de façon très subtile. Dans la voie chrétienne, on peut dire que la vertu opposée au pouvoir, c’est la chasteté. L’homme renonce à posséder sa femme. La femme renonce à séduire son mari. L’un et l’autre renoncent à se posséder. L’un et l’autre ont à convertir, toujours avec la grâce de Dieu, cette tentation de « dominer » qui est toujours tapie à notre porte. Comme dans le livre de la Genèse, Jésus dit à Caïn, meurtrier de son frère Abel : « Le péché n’est-il pas à ta porte, une bête tapie qui te convoite et que tu dois dominer ? ».
En ce jour, frères et sœurs, où comme chaque dimanche, nous célébrons la victoire du Christ ressuscité, dans ce grand mystère de liberté filiale que manifeste la Résurrection, demandons si vous le voulez bien pour nous-mêmes et les uns pour les autres, et pour tous nos frères en humanité, le don de l’enfance spirituelle, qui nous donne si Dieu le permet, de participer au-delà des signes au grand mystère nuptial du Christ et de l’Église, auquel nous sommes tous appelés. Union dans laquelle les époux pénètrent par le sacrement de mariage, et ceux qui vivent dans la virginité, dans la suite du Christ en vue du Royaume des cieux, car le but de toute vie chrétienne, frères et sœurs, c’est le Royaume des cieux.
C’est là notre joie, c’est là notre espérance. Amen !