Homélie du dimanche 8 août 2022 – 19ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

C’est sur la Lettre aux Hébreux que nous avons entendu en deuxième lecture que je voudrais m’attarder un instant ce matin, où on nous parle de la foi et en particulier de la foi d’Abraham. « Abraham obéit à l’appel de Dieu » nous dit-on.

La foi d’Abraham est exemplaire pour notre foi de disciple du Christ. La foi conduit Abraham à un chemin paradoxal ; il sera béni par Dieu mais sans voir les signes tangibles de cette bénédiction. Il reçoit la promesse de devenir un grand peuple mais avec une vie qui fut longuement marquée par la stérilité de son épouse Sara. Il est conduit dans une nouvelle patrie mais il devra y vivre en étranger. Le Livre de la Genèse nous dit que l’unique possession de terre qui lui sera consentie sera celle de quelques mètres carrés pour y enterrer son épouse Sara.

Abraham est béni par Dieu parce que, dans la foi, il sait discerner la bénédiction divine en allant au-delà des apparences. Et c’est cela la foi ! Marcher au-delà des apparences, en ayant confiance en la promesse divine, en la Présence de Dieu, même lorsque les voies que Dieu lui indique, lui semblent mystérieuses et déroutantes.

Nous sommes les descendants d’Abraham. Alors que dans la prédication de st Jean Baptiste le Précurseur, c’est Dieu lui-même qui suscite les fils d’Abraham qu’il veut bénir dans la bénédiction promise à Abraham ; pour l’apôtre Paul, c’est la foi qui fait les fils d’Abraham ; parce que la foi constitue la justice d’Abraham, la sainteté d’Abraham, comme il nous le dit dans la Lettre aux Galates. Pour st Paul, être fils d’Abraham, c’est être croyant, c’est être libre ! De migrant, Abraham est devenu un pèlerin (un peu comme nous disons, avec les missionnaires qui accueillent les visiteurs à l’abbaye durant l’été : « ils arrivent en visiteurs et ils repartent en pèlerins » parce qu’entre temps, ils ont peut-être été touchés par une Parole de Dieu).

Migrant, Abraham l’est dès son départ ; il quitte la ville d’Ur en Mésopotamie avec sa famille. Son père décède à Aran et Dieu lui-même lui demande de quitter le pays (ce qui est un peu surprenant parce qu’il l’a déjà fait). La liberté de l’acte de foi d’Abraham n’est pas tant d’avoir changé de situation que d’avoir transformé sa situation de migrant en vocation ; c’est-à-dire qu’il l’a assumée, qu’il l’a faite sienne. Je pense à ce petit Moutier quelque part en France, ce petit monastère où depuis près de cinquante ans vivent deux moines ; et ils ont écrit sur un rocher à l’entrée de leur Moutier : « Étrangers, pèlerins, toujours prêts à partir, nous portons nos regards sur le Jour et sur l’Heure ».

La foi d’Abraham, oui, demeure un exemple fondateur de la foi révélée par Dieu. La Lettre aux Hébreux nous l’a dit : « La foi est une façon de posséder ce qu’on espère » ; un moyen de connaitre des réalités qu’on ne voit pas. La foi est toujours une décision courageuse d’accepter le risque.

Quand nous cessons d’assumer des risques pour le Royaume, nous sommes des « vieux », au sens psychologique. Car le risque requiert de notre part « liberté d’esprit et joie intérieure ». Croire, c’est voir dans la lumière de Dieu ; c’est participer à la lumière de Dieu ; et cette lumière elle-même est un Don qui nous est communiqué particulièrement dans le baptême. « Croire » c’est voir en toutes choses, en tout homme, en tout évènement, ce que Dieu lui-même voit dans son Esprit d’amour qui nous est communiqué. Croire, c’est voir avec le regard de Dieu. Comme pour Abraham, les actes de foi sont le privilège des humbles. Par la foi nous croyons que Dieu nous donne à chaque instant ce dont nous avons besoin. L’humble ne se décourage pas. « L’homme de foi n’est pas celui qui croit que Dieu peut tout mais celui qui croit pouvoir tout obtenir ! » écrit st Jean Climaque, l’un de nos pères dans la vie monastique au VIIIe Siècle.

Oui, la foi est une plante, comme nous le dit st Marc au chapitre IV, qui a toujours dû pousser sur un sol ingrat. La parabole du semeur nous dit ce qu’il faut faire dans les temps difficiles. Tout d’abord : semer ; même lorsqu’il y a des obstacles, même lorsqu’il y a des cailloux (on en sait quelque chose dans la vallée de Sénanque où il y a beaucoup de cailloux !). Ce chapitre IV de Marc nous enseigne aussi à se faire aussi peu de soucis que le laboureur après les semailles qui s’en va dormir ; d’elle-même, la graine pousse, même si elle est petite comme un grain de sénevé, et les oiseaux viennent s’y nicher (Marc 4, 26-34). Semer !

Ce qui identifie un membre de l’Église, c’est sa manière de vivre sa foi, d’agir selon l’Esprit Saint, d’être dans le Christ et d’en témoigner dans le monde. Le Pape François aime employer cette expression lorsqu’il parle de la mission des baptisés : « d’être des disciples missionnaires ». Cet impératif n’est pas adressé uniquement aux évêques et aux prêtres mais à tous les baptisés, qui au nom de leur sacerdoce baptismal, royal, prophétique, sont appelés là où ils sont, à témoigner de l’Amour du Seigneur, à garder la lampe de la foi allumée, de l’entretenir cette lampe de la foi, de la nourrir. Et c’est précisément pour cela que nous vous proposerons à la sortie de la Messe, que nous vous donnerons gracieusement, un exemplaire de la lettre apostolique du Pape François intitulé : Desiderio desideravi, Lettre sur la formation liturgique du peuple de Dieu.

Entretenir notre foi, la cultiver, la fortifier : l’Eucharistie, les saints sacrements, la lecture de la Parole de Dieu, la prière, sont des moyens privilégiés pour nourrir notre foi ; mais aussi notre intelligence, notre raison, ont besoin d’être nourries, d’être alimentées.

Que ce dimanche où davantage de temps nous est donné pour prier, pour rencontrer le Seigneur dans l’intimité, nous fortifie dans la foi et dans ce courage à marcher de l’avant en pèlerins comme Abraham.

Amen !

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