Chers frères et sœurs,
La grande figure de Jean LE Prophète domine ce Dimanche de l’Avent et toute la semaine à venir.
Jean dont Jésus dira « que parmi les enfants des hommes, il ne s’en est pas levé de plus grand ». Origène nous dit que « ce n’est pas en ce temps seulement que les voies furent aplanies, mais aujourd’hui encore l’esprit de Jean précède la Parousie du Seigneur ». « Je pense, dit l’Alexandrin, que le mystère de Jésus s’accomplit encore aujourd’hui dans le monde. Quiconque est destiné à croire au Christ Jésus, il faut qu’auparavant l’esprit et la vertu de Jean vienne dans son âme pour préparer au Seigneur un peuple parfait et aplanir le sentier dans les aspérités du cœur ».
C’est cet homme à l’âme de Feu, au visage émacié, sanctifié dès le sein de sa mère Elizabeth, qui vient à notre rencontre…et les moines ont un lien très particulier avec lui. Car si les moines perdent le sens de la vie au désert et d’une certaine distance par rapport au monde, ils risquent de perdre la clé de ce pourquoi Jésus les a appelés à sa suite. Comme Jean, ils sont appelés à la voie étroite de la radicalité évangélique, et cela à la manière de Jean, c’est-à-dire avec un amour inconditionnel de l’époux, « Celui qui vient » :
« Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue ». ; Jn 3,29.
Le moine sait qu’il sera toujours du côté de l’épouse, c’est-à-dire du côté de l’amour qui écoute, de l’humble amour dont Jean nous a montré le chemin… « il faut qu’il grandisse et que moi je diminue ».
Le Prophète Jean, à la parole exigeante (« Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère de Dieu (…) tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu » aux pharisiens et aux sadducéens ; Mt 3,7), en fait est un doux.
Il désigne le Messie du nom de l’Agneau de Dieu, dont il sait qu’il représente l’agneau immolé lors de la célébration de la Pâque, immolé en gardant le silence, mais c’est aussi l’Agneau qui porte les péchés du monde ; « qui porte » : airon en grec : c’est le même mot que Marc emploie quand il dit, qu’à l’heure de la passion, un passant (Simon de Cyrène) est réquisitionné pour porter (airon) sa croix.
Jean, qui humblement consentira à être enchaîné dans la prison de Machéronte, et décapité injustement, est celui qui recevra de Jésus un vibrant hommage : « Jean a rendu témoignage à la vérité (…), Il fût la lampe qu’on allume et qui brille : et vous avez bien voulu vous réjouir pour un moment à sa lumière » Jn. 5,35. La vérité qui ne s’impose que par la force de la vérité elle-même, qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance.
Nom prédestiné, que celui de Jean, pour être accordé – au cœur même de l’Évangile – à la femme dont le nom est « comblée de grâce ».
« La seule grâce de son nom, écrit Guerric d’Igny, que l’ange avait indiqué avant sa conception, suffirait largement pour témoigner de la grâce singulière que Dieu allait lui communiquer. En effet, pour prêcher la grâce de Dieu, répandue par la Pleine de grâces, il convenait aussi que la grâce brillât d’une façon extraordinaire en celui qui était destiné à marquer la limite entre le temps de la Loi et le temps de la grâce »
On a compris que le mot « grâce » est le nom propre de Jean, comme « comblée de grâces » (kekaritoméné) est le nom propre, le nom divin dont Marie est saluée par l’ange Gabriel à l’heure de l’Annonciation.
Et nous qui comme lui voulons suivre Jésus, il nous faut être aussi remplis de grâce, avec tout ce que ce mot implique de gratuité, de beauté, d’élégance divine. Il nous faut être dans le monde porteurs de la grâce divine. Angelus Silesius parlait de « l’homme devenu Jean ».
Nous avons entendu l’apôtre Paul écrire à ses chers Philippiens qu’il demandait pour eux au Seigneur que leur amour les fasse progresser « dans la pleine connaissance (gnosis) pour discerner ce qui est important ».
Que le saint Prophète Jean le Précurseur, Jean le Baptiste, Jean l’ami de l’époux, Jean le premier martyr de la nouvelle alliance, nous entraîne à sa suite sur ce chemin parcouru par Israël, « dans la joie, à la lumière de la gloire de Dieu, avec sa miséricorde et sa justice ». Amen !