Frères et sœurs bien aimés, Jésus s’adresse à chacun et chacune d’entre nous pour lui dire ce matin : « La paix soit avec vous ».
Cette salutation est bien plus que le « Shalom » de nos frères juifs, qui correspond à notre bonjour : geste, parole de politesse. Jésus nous communique sa paix, il est lui-même le Prince de la Paix. Jésus qui disait pendant le repas de la Cène en Jean 14 : « Je vous donne la paix, je vous laisse ma paix », non pas selon le monde, cet équilibre dans la terreur, mais la paix qui vient de Dieu.
Nous sommes appelés à chercher la paix, comme au psaume 36 « Recherche la paix », et à demeurer dans la paix. Pourquoi ? Non pas pour avoir une tranquillité psychologique mais cette paix nous est donnée afin que nous puissions accueillir la Parole de Dieu, d’avoir une âme paisible. Une homélie ancienne décrit la paix comme l’eau de la mer qui s’élève et l’on voit le fond : le corail, les poissons… et quand on est troublé : l’eau est là et on ne voit plus ni les poissons, ni le fond, le corail… tout est troublé ; et donc nous sommes appelés à toujours rechercher la paix en nous et à évacuer tout ce qui nous trouble. Non pas pour une paix égoïste mais pour être attentif à ce que l’Esprit Saint nous dit, pour être attentif à l’accueil de la Parole de Dieu afin de discerner la volonté de Dieu, et plus encore, de mettre en œuvre cette volonté dans notre vie : la volonté de Dieu sur soi-même.
Mais cette paix n’est pas un exercice humain de travail sur soi, c’est un Don que l’on reçoit. Cette paix s’instaure et demeure par un Don du Christ Jésus. Et ce don se reçoit dans sa miséricorde. C’est le pardon reçu de Jésus qui nous installe dans la paix. Cette paix qui jaillit du pardon du Christ nous est donnée dans le sacrement de baptême qui enlève le péché originel (mais pas les conséquences), et les péchés personnels si l’on est baptisé à l’âge adulte ; et qui fait de nous des fils et des filles de Dieu dans le Fils unique Jésus ; nous sommes introduits dans la vie trinitaire. Nous sommes appelés à rentrer par grâce de la Trinité dans le Fils unique qui nous introduit dans sa filiation éternelle. Et nous devenons grâce au baptême fils et filles de Dieu, enfants de Dieu, participant à la vie, à la danse trinitaire de toute éternité par grâce, nous rentrons dans la filiation divine. Nous sommes en relation d’amitié avec Dieu, en relation filiale, en relation fraternelle par le Christ notre frère ainé.
Oui, frère et sœurs, Dieu nous aime. Il nous aime infiniment. Cet amour qui nous touche, qui vient nous saisir, s’appelle pour nous la miséricorde divine. Parce que cet amour a besoin de venir nous guérir. Nous sommes blessés par le péché. Nous sommes défigurés. Nous sommes salis. Et la miséricorde de Dieu vient nous ressaisir, nous recréer, faire de nous des êtres nouveaux. C’est le baptême : le baptême est une re-création. Ce n’est pas un code de bonne conduite, l’introduction dans une vie morale, une philosophie. Ce n’est pas des degrés à franchir… Nous sommes appelés à recevoir cette miséricorde qui nous a recréés dans le baptême et qui nous recrée dans le sacrement de pénitence (ou de réconciliation) qui nous redonne la dynamique baptismale. Dans notre vie de baptisé, nous retombons dans le péché.
Nous sommes appelés à redonner cette dynamique, cette force que nous avons reçue au baptême qui n’est jamais enlevée, mais qui peut être salie, ralentie, ou voire coupée par des fautes graves. Le sacrement de pénitence est là pour nous redonner la vie divine, si par malheur on s’en éloignait, mais du moins cette dynamique ; l’effet du sacrement de pénitence est là pour pardonner les péchés, mais il est là aussi pour nous donner cette délicatesse d’âme, ne pas être des « gros sabots » dans la vie surnaturelle, ne pas être « brut de décoffrage ». Nous devons avoir une délicatesse envers Dieu, envers son Esprit… ne pas offenser l’Esprit de Dieu. Et le sacrement de pénitence est là pour nous aider à nous affiner, à avoir une âme délicate en évitant à la fois le scrupule qui est une maladie spirituelle, et de l’autre côté, le laisser-aller : « Dieu nous aime, tout va bien… ».
Oui, le Seigneur nous recrée dans son amour, il nous recrée par le sacrement de baptême, d’où la nécessité pour le salut éternel d’être baptisé. Même si Dieu (qui peut tout) peut réaliser en dehors du baptême ce qu’il réalise dans les sacrements, la voie ordinaire pour ceux qui reçoivent cette lumière et cette obéissance de la foi est de recevoir le baptême pour entrer dans cette filiation divine et surtout en vivre.
Le baptême n’est pas statique, ce n’est pas un concours qu’on a passé, on a l’agrégation et on est assis. Mais non ! Le baptême est là pour nous donner cette dynamique sans tarder et pour faire de notre vie une œuvre d’art, un chemin de sainteté et une histoire sainte qui est propre et unique à chaque être humain dans l’histoire de l’humanité. Il n’y a pas de clonage !
Cette vie nouvelle qui nous est donnée est tout simplement la vie chrétienne ; mais attention ! La vie chrétienne ordinaire n’est pas la médiocrité, une vie poussive, passive, « à peu près », « en gros », « second choix »… vivre en amitié avec Dieu, vivre réellement en enfant de Dieu, vivre cette alliance d’amour avec Dieu, vivre en communion avec Dieu, plus encore : vivre en co-responsabilité avec Dieu. Dieu nous appelle à engager notre liberté et nous devenons co-responsables du salut de nos frères, co-responsables de la mission de l’Église… c’est pas réservé aux papes, aux évêques, aux prêtres, aux moines… Non ! tout le monde est appelé à être participant actif du salut éternel de l’humanité. Et le Seigneur nous appelle à une co-responsabilité. Nous ne pouvons pas dire : « ça, ça ne me regarde pas ! ». Le bien des autres me regarde (pas pour le prendre !) mais pour ce bien qui est d’essayer de conduire notre prochain vers la miséricorde de Dieu, et d’être ressaisis en faisant le bien.
Frères et soeurs, il n’y a pas deux finalités. Tous les êtres humains, nous sommes blessés par le péché, malgré les apparences, les bonnes mines avec du maquillage, tout cela. Tout cela disparaît face à la vérité de Dieu. Nous sommes appelés à être en Esprit et vérité ressaisis par la miséricorde divine. Les « gens-bien », ça n’existe pas. Il faut que ça rentre dans notre cerveau. Les gens-bien, ce sont les pécheurs pardonnés ! Voilà les gens-bien ! Pas les gens bien habillés avec une position sociale, qui ont réussi, ou des titres quels que soient les titres.
Nous sommes appelés à faire la vérité dans notre vie et à enlever tout le chromage pour retrouver l’authenticité de notre vie. Face à Dieu, il n’y aura aucun maquillage qui tienne. Cette miséricorde nous entoure toujours et elle nous est donnée en permanence. Si le sacrement de pénitence est là pour nous aider à avancer, à le recevoir fréquemment et régulièrement, nous avons aussi des actes de contrition intérieure, l’eau bénite qui est un sacramentel, qui efface les péchés véniels, quand on reçoit l’eucharistie le Seigneur aussi nous purifie par sa Présence. Nous sommes appelés à recevoir Jésus avec un maximum de dignité et de responsabilité, d’avoir une conscience droite face à Lui.
Oui, frères et sœurs, nous recevons cette miséricorde infinie de Dieu qui nous est toujours offerte jusqu’au moment de la mort, la mort inclue. Après, se dessine le destin éternel de chacun selon le choix qu’il aura fait, d’acceptation ou de refus de la lumière. Dieu seul connaît les êtres. Laissons Dieu être Dieu. Nous ne pouvons pas juger les autres.
Par contre, nous sommes appelés à être canaux de cette miséricorde divine envers tous et en tout temps. Nous sommes appelés (puisque nous sommes bénéficiaires de cette miséricorde) à poser des actes concrets de miséricorde, à prendre en pitié les autres et à avoir de la compassion : on prend la passion de l’autre avec soi. On le porte, on se supporte, non pas en disant « je le supporte ! », mais je me mets dessous pour porter l’autre comme je suis porté par les autres.
Alors réfléchissons aujourd’hui, quels actes de miséricorde je peux poser dans mon couple, dans ma famille, mes amis, dans les milieux professionnels, les milieux sociaux, internationaux ? Comment parlons-nous des autres ? Quels sentiments avons-nous à l’égard des autres ?
Nous sommes appelés à implorer la miséricorde envers tout être humain. En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas avoir d’ennemis – de fait nous avons des ennemis – mais nous ne pouvons pas avoir dans notre cœur, dans notre intelligence, des hommes et des femmes qui sont considérés comme des ennemis.
Oui, frères et soeurs, recevoir cette miséricorde inépuisable, infinie, qui nous est toujours donnée pour vivre dans la vie dynamique. Il faut comprendre que cette miséricorde ne concerne pas uniquement le péché (même si c’est l’objet formel, le but initial et final) mais cette miséricorde est très proche de la providence divine. La miséricorde divine nous englobe et nous conduit selon des chemins de miséricorde insoupçonnés pour nous, mais qui seront manifestés à la fin des temps pour voir cette harmonie de la vie humaine et de l’histoire de l’humanité, où chacun doit jouer et poser ces actes de miséricorde qui construisent une humanité ; et tout refus de miséricorde va détruire les biens fraternels et les biens de la vie sociale et internationale.
Oui, recevoir la miséricorde, faire miséricorde, instrument de miséricorde envers tous et toutes, mais aussi espérer toujours vers la miséricorde. Ne jamais désespérer, ne jamais juger les autres sur les apparences. S’il y a des apparences que nous ne devons pas employer, tout ce qui peut être barbouillage pour nous améliorer… nous sommes appelés à ne pas juger les autres, mais à les remettre dans la miséricorde divine, car Dieu seul connaît les cœurs.
Et nous sommes aussi appelés à espérer, espérer pour tous et envers tous, ne jamais désespérer des êtres humains. Nous sommes appelés à les présenter au cœur du Christ, à les enfouir dans le cœur de Jésus, pour que Lui puisse réaliser ce que nous, nous ne pouvons pas réaliser, même avec nos plus grands désirs. Dieu étant Dieu, il peut tout, il peut réaliser ce que l’être humain ne peut pas réaliser.
Alors, avançons en ce dimanche dans la joie de la Présence du Seigneur qui nous donne sa Paix. Nous sommes appelés à vivre toujours dans cette paix du Christ. Accueillons cette paix et écartons de notre vie tout ce qui peut nous troubler dans notre relation avec Dieu et notre relation envers les hommes, du moins vers ce qui concerne ce que nous avons à faire.
Nous sommes appelés à espérer, à recevoir la miséricorde, pas simplement en parler mais en vivre, et la communiquer à tous ; mais espérer pour tous et toujours.
Car le Seigneur n’est que miséricorde et il a soif de répandre cette miséricorde dans nos âmes comme dans celles de tout être humain dans notre monde.