Homélie du dimanche de Pentecôte – Dimanche 5 juin 2022 – Année C
Par le Frère Jean-Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé
Frères et sœurs bien aimés, nous célébrons aujourd’hui une plénitude, un accomplissement. Le Père, par son Fils et dans l’Esprit Saint, a créé l’univers.
Ce même univers, cette même humanité dévoyée, a été ressaisi par la grâce du Père qui a envoyé son Fils, Jésus de Nazareth, le Verbe fait chair, le Logos éternel, qui est devenu Parole vivante de Dieu pour nous, et aujourd’hui, l’Esprit Saint. Chez nos frères hébreux, cette fête de Pentecôte était la fête des récoltes.
Aujourd’hui, nous récoltons la moisson qui est mure, l’Esprit Saint qui vient nous saisir, nous ressaisir, pour faire de nous des gerbes de blés, des grappes de raisins murs, pour devenir le froment de Dieu et le vin nouveau : l’humanité ressaisie. Comme le dit Irénée de Lyon, cette phrase très connue : le Seigneur, le Père a ressaisi toutes choses par ses deux mains qui sont le Fils et l’Esprit Saint.
Nous célébrons aujourd’hui une plénitude. Dieu s’est manifesté dans sa totalité. La vie chrétienne n’est pas une Parole sur Dieu, une théologie, ou elle n’est pas que cela, la vie chrétienne, et le mystère chrétien, la révélation chrétienne, est une auto révélation de Dieu. Dieu se dit, Dieu se manifeste. Ce n’est pas nous qui nommons Dieu, c’est Dieu qui se nomme et qui se révèle à nous et nous appelle à rentrer dans ce mystère d’Alliance.
Quelle est la caractéristique du christianisme ? Ce mystère d’Alliance entre deux partenaires : Dieu qui est Trinité, Père, Fils et Esprit Saint, qui ressaisit toute l’humanité, qui veut sauver tous les hommes et les conduire à la plénitude de la vérité ; et qui appelle chacun des êtres humains, chacun des membres de ce peuple qui est l’Église, pour rentrer dans un mystère de communion avec son Créateur et son Rédempteur. Ce mystère de communion qui est un mystère d’Alliance et un Mystère de filiation. Nous sommes adoptés par Dieu ! Nous devenons fils et filles de Dieu, dans toute sa réalité.
Donc, nous accueillons cette vie qui n’est pas simplement la vie ordinaire mais la vie de grâce : la vie surnaturelle pour les âmes. Voilà l’essence même du christianisme, et qui par là même, touche nos corps et touche nos relations sociales, familiales, toute la vie de l’humanité. Cela jaillit du Cœur du Seigneur, se manifeste et nous est donné par cette vie de grâce qui, à l’intérieur de soi, va peu à peu, nous guérir, nous sauver, mais aussi nous transformer afin de vivre vraiment en enfant de Dieu.
Ce mystère, nous le vivons par le Don de l’Esprit Saint et au sein de l’Église, dans le sacrement de baptême, le sacrement de confirmation ou de chrismation, qui est là pour nous donner l’Esprit Saint comme les apôtres l’ont reçu le jour de la Pentecôte : ainsi l’écrit le saint Pape Paul VI dans sa constitution apostolique introduisant le renouveau du sacrement de confirmation dans l’Église catholique.
C’est une plénitude de révélation, nous sommes appelés à rentrer de manière concrète – et pas simplement intellectuelle, sentimentale, romantique et totalement inefficace – d’entrer dans ce grand mouvement de l’Esprit Saint, reçu et donné !
Cet Esprit nous accompagne tout au long de notre vie. Notre baptême est là pour faire jaillir en nous cette vie de l’Esprit, la confirmation est là pour faire de nous des témoins de Jésus dans toutes les situations : dans l’humilité… dans l’audace jusqu’au martyre.
Le sacrement de confirmation agit tout au long notre vie, à chaque instant de notre vie.
L’Esprit Saint agit dans les autres sacrements que nous recevons : pour ceux qui sont mariés, pour ceux qui sont consacrés (religieux, moines…), mais aussi pour ceux qui sont célibataires, divorcés ou veufs, tous vivent afin que l’Esprit Saint fasse jaillir en eux cette puissance de la grâce (du baptême et de la confirmation), qui est là pour attiser en nous la puissance de la vie trinitaire.
Tout cela nous appelle à une grande docilité à l’Esprit Saint dans notre âme. Et cela suppose, comme on le répète souvent, deux aptitudes : une attitude de silence intérieur pour être à l’écoute de ce que Dieu nous dit. Le premier commandement de Dieu, c’est : « Écoute, Israël ! ». Et souvent on a envie de dire à Dieu : Écoute, Seigneur !… le Seigneur nous dit : Écoute moi, fais-moi confiance et tu comprendras !... Nous, on veut tout comprendre et ne pas faire confiance ! On veut tout dominer, saisir ! Comme Adam et Ève qui veulent saisir le fruit au lieu de le recevoir. Saisir la vie éternelle, être son propre créateur… au lieu de recevoir la vie et de rentrer dans ce mystère d’adoption, ce mystère d’Alliance qui est aussi un mystère nuptial, tant sur le plan personnel que sur le plan communautaire, ecclésial.
Oui, ce silence intérieur et cette distanciation par rapport aux évènements, aux choses qui nous troublent intérieurement, qui nous interrogent – qui sont légitimes – mais prendre cette distance intérieure pour discerner ce que l’Esprit Saint peut nous dire. Le chrétien, la chrétienne, est un homme, une femme, qui vit avec cette retenue intérieure, avec ce silence intérieur qui lui permet de regarder toutes choses comme le Seigneur lui demande de regarder.
Nous fêtons aujourd’hui aussi l’envoi en mission de l’Église. L’Église qui est née du côté ouvert de Jésus, mort sur la croix, son cœur percé par la lance d’où jaillissent l’eau et le sang – signes du baptême et de l’Eucharistie – mais c’est la naissance de l’Église qui est là : comme Adam qui était endormi de ce sommeil mystérieux où Dieu vient lui prendre une côte et à partir de cette côte forme une femme. Là, Adam se réveille, voit cette nouvelle créature et il lui dit : « Voici l’os de mes os, la chair de ma chair ».
Le Seigneur Jésus ressaisit l’humanité. De son côté percé, son cœur percé, jaillit l’Église ! L’Église est créée de ce cœur ouvert de Jésus, qui est le Cœur de la miséricorde divine, qui est là pour ressaisir l’humanité.
Demain, nous fêterons Marie, Mère de l’Église : nous sommes avec Marie. Que nous dit Jésus ? Le testament de Jésus pour chacun et chacune d’entre nous ; il s’adresse à chacun, il lui dit : « Voici ta mère », en regardant Marie. Nous recevons aussi Marie comme notre Mère, qui nous apprend à avoir ce silence intérieur, à avoir cette distance pour être à l’écoute de l’Esprit Saint, pour être des coopérateurs de Dieu. Nous sommes appelés à nous réjouir de cette Présence de l’Esprit Saint. Mais aussi, d’entrer avec efficacité de manière concrète dans cette coopération, cette collaboration à l’œuvre que l’Esprit Saint veut réaliser dans notre vie, et pour le bien de la mission de l’Église.
Nous sommes dans cette grande fresque de la création et de la rédemption où chacun est appelé à jouer un rôle qui est unique et irremplaçable. On ne peut pas remplacer un être humain (même si le dicton nous dit que les cimetières sont parsemés de personnes irremplaçables !)…
Oui, nous sommes tous irremplaçables. Nous sommes appelés à remplir la mission que Dieu veut que nous remplissions dans cette grande fresque de l’humanité. Tout le monde a sa place ! Chacun est unique ! Chacun est irremplaçable ! Nous avons besoin les uns des autres, à commencer des plus faibles. Prenons conscience que nous sommes tous faibles, tous des pauvres… Mais par moment, nous avons le fantasme d’être tout à fait au-delà des autres, au-dessus des autres. Un médecin me disait un jour : « Tu sais, les bienportants sont des malades qui s’ignorent ! »… au niveau spirituel, je crois qu’il y a quelque chose de similaire : parfois nous sommes aveuglés par notre propre égoïsme, notre propre individualisme, et nous ne voyons pas dans quel état nous sommes…
Nous sommes appelés à ouvrir les yeux pour voir que nous sommes aimés du Seigneur, ressaisis par lui, et de rentrer dans cette dynamique de l’amour divin, dans cette dynamique de la vie de l’Esprit Saint.
Oui, frères et sœurs, demandons cette grâce des uns pour les autres aujourd’hui, pour toute l’Église, pour toute l’humanité, pour tous ceux qui ne connaissent pas Jésus, pour tous ceux qui le persécutent, pour tous ceux qui sont indifférents… afin qu’ils soient réveillés de leur torpeur, de leur bien-être qui les anesthésie, avant qu’ils soient peut-être réveillés de manière beaucoup plus brutale, pour se tourner vers le Seigneur.
Nous sommes appelés à nous laisser saisir par l’Esprit Saint, aujourd’hui.
Demandons cette grâce d’être libres, d’être donnés intérieurement, de ne rien refuser au Seigneur.
Demandons de nous ouvrir aux besoins des autres, de demander : Seigneur, que veux-tu que je fasse pour servir ton plan de Salut ? Dans ma vie conjugale, familiale, professionnelle, ma vie de retraité, ma vie de consacré, de prêtre… là où Dieu nous a mis.
De demander au Seigneur et de passer aux actes ; afin d’accomplir ce que le Seigneur nous demande, de réaliser notre vie. Il n’est jamais trop tard, il n’est jamais trop tôt !
De vivre dans ce bonheur et cette paix, d’être en amitié avec le Seigneur Jésus, en docilité à l’Esprit Saint ; comme nous le disait Paul dans sa deuxième Lecture : de nous laisser conduire par l’Esprit Saint.
C’est une question de choix, il faut faire des choix ! Prenons la résolution de nous laisser guider par l’Esprit, de nous laisser conduire par lui, comme il le veut ; de servir l’humanité, servir l’Église à la place où Dieu nous veut, de la manière dont il nous veut ; d’agir dans cette forme de ‘passivité active’ pour coopérer à l’accomplissement de la volonté de Dieu dans notre vie, dans la vie des autres. D’accomplir la mission propre que Dieu nous confie ce matin à chacun et chacune d’entre nous, dans le grand dessein du Salut éternel de l’humanité.
Amen !