Homélie de la Solennité de Tous les Saints

1er novembre 2018 – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur

Le style oral a été conservé

 

Chers frères et sœurs, dans son encyclique sur la joie, le Pape François dit que « La sainteté est le plus beau visage de l’Église ». Par ces paroles il répercute la voix du Concile Vatican II qui dit que « Chacun des fidèles, peu importe son état ou son rang, est appelé à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité… et le Concile de poursuivre… tous les fidèles sont invités et même tenus à rechercher la sainteté et la perfection de leur état ».

Si on examine la vie des saints, on constate rapidement que l’amour pour le Seigneur et pour le prochain, la recherche de la gloire de Dieu et du salut des âmes vont toujours de pair : un chrétien en effet ne peut aimer Dieu s’il n’aime aussi son frère ! Inversement, il ne peut aimer son frère s’il ne puise en Dieu, dans la prière et dans la contemplation de la vie et du visage du Christ, la force de l’aimer comme Dieu nous a aimés le premier. St Aelred l’un de nos frères dans la vie monastique au moyen âge, y invitait sa sœur recluse, lui écrivant « Rassemble le monde au cœur de ton amour ; réjouis-toi avec les bons, pleure avec les autres ; fixe ton regard sur ceux qui souffrent et souffre avec eux ; à tous, manifeste un cœur plein d’amour ».

St Jean Paul II dit de la sainteté « qu’elle est la mesure de la vie chrétienne ordinaire ». Soulignons le mot ordinaire !

La sainteté, frères et sœurs, est en effet un appel de l’Esprit Saint adressé à tous les hommes et parmi eux, encore plus à ceux que le baptême a mis à part en leur conférant l’onction sainte, faisant d’eux des membres saints du corps du Christ… « Vous êtes le corps du Christ » dit St Paul.

Oui, car la sainteté est pour tous et comme l’écrit un écrivain du XIXème siècle « Les saints sont l’incarnation concrète de l’amour de Dieu, mais pas seulement les saints des cimes, également chez ceux des hauteurs intermédiaires que peuvent atteindre les alpinistes normaux, ceux qui appartiennent aux classes moyennes de la sainteté ». Les saints du temps ordinaire, pourrait-on dire !

Un saint, frères et sœurs en effet, n’est pas forcément celui qui accomplit de grandes entreprises en se fondant sur l’excellence de ses qualités humaines, mais bien plutôt celui qui permet avec humilité au Christ de pénétrer en son âme, d’agir à travers sa personne ; d’être lui, le Seigneur, le véritable acteur de toutes ses actions et de ses pensées ; celui qui inspire toute initiative et qui soutient tout silence.

Qu’est-ce que la sainteté pour les créatures humaines que nous sommes ?

Adhérer à Dieu au maximum de notre capacité… cela signifie : remplir dans le monde organisé autour du Christ la fonction exacte, humble ou éminente à laquelle par nature et par sur-nature elle est destinée… chacun à sa place. St Jean nous rappelait dans la deuxième lecture que « L’amour dont Dieu nous a comblés, c’est d’être appelés ‘enfant de Dieu’ ».

Là, frères et sœurs, est toute notre dignité de baptisé appelé ‘enfant de Dieu’ et c’est aussi notre joie.

Les réponses à l’appel de Dieu à la sainteté sont infiniment variées dans l’Église comme la multitude de fleurs diverses et parfumées dans un même champ. « Toute vie de saint écrivait Bernanos est une nouvelle floraison de printemps ».

Les charismes, frères et sœurs, nous le savons, sont nombreux dans l’Église et tous sont reliés entre eux. Thérèse de l’Enfant Jésus avait bien compris cela le jour où elle découvrit que si la carmélite qu’elle était, n’évangélisait pas à proprement parler… sa vie offerte à Dieu sanctifiait l’Église.

En effet, frères et sœurs, à côté du charisme d’évangélisation et de la catéchèse qui sont indispensables à l’Église, il y a le charisme de la sanctification. Comme dit St Paul : tous les charismes ne suffisent pas sans l’amour.

L’amour de l’évangélisation ne peut se faire sans le témoignage des saints ; le Pape Benoit XVI disait que « Les saints sont la plus belle illustration de la Sainte Écriture ». Ils sont, pour reprendre le mot de St François de Sales, « ce qu’une musique chantée est à une musique notée ».

Un saint, oui ! C’est vraiment l’Évangile qui continue !

L’Église, frères et sœurs, est la communauté de ceux qui acceptent de se laisser convertir par le Christ. Communauté en laquelle s’accomplit ce que St Paul appelle « le renouvellement spirituel de notre jugement » ; voici ce que nous sommes tous appelés à parcourir. Dans le Royaume des cieux, vers lequel nous pérégrinons, ce ne sont pas à la différence de l’ordre de ce monde, les choses les plus rares, les ministères réservés à quelques-uns qui ont le plus de valeur mais ce qui est commun, à savoir le chemin de la vie baptismale qui peut faire du plus petit, un très grand saint ! Les saints sont ceux qui sont passés, en quelque sorte, de l’autre côté des choses, ils sont déjà sur l’autre rive.

Permettez-moi pour terminer de répercuter la voix d’un grand chrétien du XXème siècle, le Cardinal de Lubac qui écrivait :

« Tous les membres de la grande famille du Christ se reconnaissent et s’appellent ; l’illettré rejoint le philosophe, la moniale enfermée dans son cloître ne diffère en rien d’essentiel de celui qui porte la sollicitude de toutes les églises ; la voix du martyr chinois du XXème siècle se confond avec la voix du martyr syrien du IIème siècle.

Tout cet immense concert, c’est la tradition de l’Église qui le nourrit, c’est sa force opérante qui le règle. Il n’est cependant le fruit ni d’un mimétisme, ni d’un accord péniblement cherché. La voix de l’unique Esprit parlant à l’unique Épouse retentit au fond de chaque conscience ; partout c’est en retour la même foi, la même espérance, le même amour. C’est l’expression au-dehors d’une unité foncière, c’est le jaillissement d’une Flamme unique ».

Voilà, frères et sœurs, ce que nous fêtons aujourd’hui au cœur de l’Église ; puissions-nous nous-aussi apporter notre part dans ce grand concert et y porter des fruits en abondance pour la gloire de Dieu et le salut des hommes.

Amen !

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