Chers frères et sœurs,
Un écrivain a pu dire : « Il n’y a jamais eu qu’un seul matin : celui de Pâques ».
C’est bien ce matin-là que nous attendons depuis quarante jours lorsque nous sommes entrés « en Carême », le jour du mercredi des Cendres.
C’est bien ce matin-là que nous attendons depuis notre naissance, naissance à la vie divine, à l’heure de notre baptême.
C’est ce matin-là qui se lèvera pour nous à l’heure de notre mort, qui nous fera passer, comme dit l’apôtre Pierre : des ténèbres à son admirable lumière.
Ce matin-là, nous allons l’anticiper dans huit jours, au matin de Pâques, et plus particulièrement durant la Vigile Pascale, où dans une divine mystagogie, nous revivrons toutes les étapes de notre Salut. Comme le chantera l’Exultet : « Nuit où le Christ, brisant les liens de la mort, s’est relevé victorieux du séjour des morts ».
Mais ce dimanche, dit « des Rameaux et de la Passion du Seigneur », le Christ entre dans sa Passion. Si celle-ci commence plus exactement avec son agonie au jardin de Gethsémani, après l’institution de l’Eucharistie au Cénacle, dès aujourd’hui, cette passion de Jésus est inaugurée à travers les acclamations des enfants d’Israël que nous avons repris à l’entrée de cette célébration : « Hosanna, au fils de David, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d’Israël ». Ces joyeuses acclamations de notre procession d’entrée, des rameaux d’olivier à la main, ont vite été couverts par les cris hostiles de la foule que nous venons d’entendre : « Mort à cet homme … relâche Barabbas ».
On sait toujours, frères et sœurs, que comme aujourd’hui, la versatilité mais aussi le danger des mouvements de foule, lorsqu’elles sont, comme c’est le cas dans l’Évangile de ce jour, manipulées par des personnes mal intentionnées, en l’occurrence ici : le parti des Sadducéens.
En ces jours de la Passion, nous allons revivre ce contraste toujours saisissant pour notre vie de disciple du Christ, de l’affrontement entre le Mal absolu à l’état pur et l’innocent, Jésus, qui le reçoit en plein visage.
« Le Christ Jésus, reconnu homme à son aspect, s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix ».
Nous allons entrer dans ce Mystère, non comme on assiste à un spectacle où nous serions assis en dehors de la scène, mais en tant que membre d’une Église qui, dans son corps, aujourd’hui, vit elle aussi cette déréliction de Jésus au Jardin des oliviers et sur la Croix ;
« Ce ne sont pas les achèvements humains qui peuvent nous venir en aide, mais la Passion du Christ, mon désir est d’y prendre part » écrivait Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein). Et elle y prendra part, effectivement, en offrant sa vie dans la chambre à gaz d’Auschwitz.
Il s’agit, frères et sœurs, que le « Nous » de l’Église devienne le « Je » de notre propre participation à ce grand Mystère de notre Salut qui s’accomplit en ce jour. Cela implique un engagement personnel de notre part à la suite de celui de Jésus, dont Saint Bernard de Clairvaux écrit : Il n’a pas seulement consenti à être offert, mais il s’est offert parce qu’il l’a voulu.
Nous pourrons alors, au matin de Pâques, entendre la Parole du Christ, anticipée dans le psaume 138 : « Je suis ressuscité car je suis désormais avec toi. Ta main s’est posée sur moi ». Amen.