Homélie du Sacré-Cœur de Jésus – Vendredi 11 juin 2021 – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
« Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. »
Frères et sœurs, cette parole de l’Évangile que nous venons d’entendre, qui a été dès les origines de l’Église une source de contemplation de tous les saints, de tous les mystiques, de tous les croyants.
Très mystérieusement, déjà, l’Ancien Testament, la première Alliance, pressentait la source de vie de ce cœur transpercé, avec ce passage de Zacharie dont nous avons entendu un verset : « ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ».
Et depuis Origène, St Augustin, toute la Tradition médiévale jusqu’à nos jours avec Ste Marguerite Marie Alacoque à Paray le Monial, avec sœur Ste Faustine et tant d’autres chrétiens, d’hommes et de femmes, aujourd’hui, qui puisent toute leur énergie, toute leur source spirituelle, toute leur vie spirituelle dans cette union avec le cœur ouvert de Jésus, dont jaillit la miséricorde qui se répand sur toute l’humanité.
Cet homme, ce centurion, qui de sa lance, a percé le côté de Jésus, ce centurion à qui le moyen-âge a donné un nom en l’appelant Longin ; et Claudel pourra écrire : « La lance au bras de Longin est allée plus loin que le cœur du Christ. Elle a ouvert Dieu, elle est passée jusqu’au milieu-même de la Trinité. »
Oui, ce côté ouvert de Jésus qui nous fait regarder en arrière dans le Livre de la Genèse, vers le côté d’Adam dont Ève fut tirée. La lance qui perce le côté de Jésus (que l’on pense à cette magnifique icône du St Suaire de Turin, du Linceul de Turin), cette lance qui nous fait aussi regarder en arrière – toujours dans les premiers chapitres du Livre de la Genèse – et qui nous rappelle l’épée des Chérubins qui gardèrent le paradis après l’expulsion d’Adam et Ève.
Et puis, le côté percé, d’où jaillit l’eau et le sang, qui nous fait regarder en avant, qui est une préfiguration des mystères de l’Église, et particulièrement de l’Eucharistie et du baptême. L’eau sortie du côté du Christ, préfigurant le baptême, et le sang jaillissant du côté du Christ, préfigurant l’eucharistie. Tout cela appartient à la grande Tradition spirituelle de la Sainte Église.
Et puis, ce côté percé dans lequel les mystiques, et là on pourrait en citer une multitude, nous nous contenterons de citer St Jean de la Croix et St Bernard, qui voient dans ce côté percé les cavernes du rocher, dont nous parle aussi le Cantiques des Cantiques, dans lequel la colombe vient se réfugier ; et bien, ce côté percé de Jésus, c’est le côté percé de l’Époux, où l’Épouse (c’est-à-dire l’Église), l’époux, (c’est-à-dire chacun d’entre nous), peut aller se réfugier comme la colombe pour trouver son repos.
Citons, entre mille autres, St Jean de la Croix : « Les hautes cavernes de la pierre où l’âme désire entrer pour s’y absorber, s’y enivrer, se transformer profondément dans l’amour qui lui donnera la connaissance de ces mystères et de se cacher dans le sein de son Bien-Aimé ».
Et puis « notre » Bernard : « Le secret de son cœur est découvert à travers les ouvertures percées dans son corps, et ainsi se découvre ce grand mystère de la piété, la tendresse miséricordieuse de notre Dieu, en laquelle le soleil levant nous a visité d’en haut ».
Nous reconnaissons là les paroles du Cantique de Zacharie, le Bénédictus, que nous chantons tous les matins.
Bernard qui nous parle du grand mystère de la piété. Ce mot, qui dans le vocabulaire chrétien et particulièrement au moyen âge, a une grande importance, a beaucoup de poids. La pietas, aujourd’hui la piété, a un sens légèrement péjoratif, encore que ! N’oublions pas que le don de piété est un Don du Saint Esprit que nous pouvons tous légitimement désirer, et demander, recevoir ; le don de piété : c’est-à-dire le don de la connaissance savoureuse du Christ à travers le cœur ouvert du Christ.
Vraiment, le don de piété, ce beau Don qui nous ouvre le cœur du Christ.
Et encore, ce disciple de Bernard, le bienheureux Guerric d’Igny, qui nous invite à entrer dans le rocher : « Entre dans le rocher, Ô homme ! Enferme toi dans cette terre ouverte ; trouve dans le Crucifié ta retraite ; ne te contente pas d’aller à lui, entre en lui, pénètre dans les trous de la pierre ; cache toi dans la terre ouverte ; réfugie toi dans ses mains trouées, dans son côté percé »
On pourrait aussi citer le magnifique passage de Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Édith Stein, qui a vécu non seulement, dans son intelligence, dans sa spiritualité, mais dans son corps, cette spiritualité de l’union avec le cœur de Jésus le Vendredi Saint.
Et puis, le Père Teilhard de Chardin, dont on retient surtout le grand scientifique, mais qui était aussi un grand spirituel, qui a écrit un livre que nous sommes tous invités à lire ou à relire : « Prières sur le cœur du Christ » où le Père Teilhard écrit (il s’adresse à Jésus) :
« Au centre de votre poitrine, je n’aperçois rien d’autre qu’une fournaise, jusqu’aux replis les plus intimes du centre de votre cœur, attirez-moi. »
Amen