Chers frères et sœurs,

Cette solennité du Saint Sacrement, du corps et du sang du Christ, qu’on appelle aussi la Fête-Dieu, est honorée depuis des siècles particulièrement en occident, par le chant liturgique avec des hymnes latines qui ont imprégnées le peuple chrétien : l’Ave verum corpus du XIIe siècle qui était chanté après l’élévation ; l’Adoro te devote, attribué à st Thomas d’Aquin ; l’Ecce panis angelorum ; le chant encore : O Salutaris hostia ; Panis angelicus… et d’autres chants. De nos jours encore, le culte de l’Eucharistie suscite dans le peuple de Dieu, des chants liturgiques en son honneur ; l’adoration du Saint Sacrement pratiquée en certains lieux, jour et nuit, connait de nos jours un renouveau, et de tout cela, nous ne pouvons que nous réjouir.

Le titre officiel de cette solennité est : Fête du Corps et du Sang du Christ ; soulignant par-là que Celui que nous adorons dans ce que nous appelons le « Saint Sacrement », est Celui-là même qui avant sa douloureuse passion a institué au soir du Jeudi Saint, le sacrement qui l’institue.

Que sont au juste les sacrements ? St Augustin les définit en ces termes : « Ces réalités, frères, nous les appelons « des sacrements » parce qu’en elles, autre est ce que l’on voit, autre ce que l’on comprend. Ce que tu vois présente une apparence corporelle, ce que l’on comprend porte un fruit spirituel ».

Les sacrements sont les évènements qui continuent, dans le temps de l’Église, les grandes œuvres de Dieu, de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi, dans ce sacrement de l’Eucharistie se prolonge le Don de la manne que Dieu fit à son Peuple dans le désert, mais aussi cette nourriture providentielle que reçut le prophète Elie au cours de sa longue marche de quarante jours et de quarante nuits dans le désert ; sacrement de l’Eucharistie encore préfiguré dans les évangiles par la multiplication des pains que Jésus accomplit au désert pour cinq mille personnes qui le suivaient ; préfiguré aussi, là de façon mystique, par le sang qui jaillit à la Croix de son côté transpercé.

Le sacrement de l’Eucharistie institué par Jésus au cours de ce que nous appelons « la Dernière Cène » : cette dernière Cène est sa Cène à Lui, Jésus, au cours de laquelle il donne « Quelque chose » de totalement nouveau, à savoir : Lui-même. Au cours de cette Cène, Jésus célèbre sa Pâques, il anticipe sa mort et sa résurrection.

St Jean dans son évangile, nous le savons, ne décrit pas cette dernière Cène comme un repas pascal juif, précisément, parce que Jésus entend inaugurer là quelque chose de totalement nouveau qui dépasse la Pâque juive. Il célèbre sa Pâque qui est liée bien sûr aux évènements de l’Exode, au passage de la Mer Rouge, à l’entrée dans la terre de Canaan, mais plus profondément, dans cette Cène il offre sa vie à lui, Jésus, le Fils de Marie de Nazareth.

Ce n’est pas pour rien que dans l’évangile, Jean dit que Jésus meurt au moment où, au Temple de Jérusalem, étaient immolés les agneaux pascals.

Au centre de cette dernière Cène : les gestes de Jésus qui rompt le pain, le distribue aux siens, et partage la coupe de vin avec les paroles qui les accompagnent ; et ceci dans un contexte de prière, c’est l’institution de l’Eucharistie, c’est la grande prière de Jésus et de l’Église jusqu’à la fin des temps. Avec l’institution de ce sacrement, Jésus institue les apôtres comme héritiers de ce sacrement pour en perpétuer l’action au sein du Peuple de Dieu qui leur est confié.

« Faites ceci en mémoire de moi »… ce Don de Jésus, de sa Vie, de sa Personne, devient un exemple tout en restant un Don.

Être chrétien, frères et sœurs, c’est avant tout un Don, que nous recevons, qui se développe au cours du temps dans la dynamique de vivre et d’agir avec ce Don, et de se laisser transformer, transfigurer par ce Don. L’un de nos Pères dans la foi, st Léon le Grand, dit que notre participation au corps et au sang du Christ ne tend à rien d’autre qu’à devenir ce que nous recevons. Et encore le grand Augustin d’Hippone : « À ce que vous êtes, vous répondez au moment de la communion : « Amen », et par cette réponse, vous y souscrivez. Tu entends en effet : « le corps du Christ », et tu réponds : « Amen », sois membre du Corps du Christ pour que ton « Amen » soit vrai !»

Nous ne sommes pas moins privilégiés aujourd’hui que les contemporains de Jésus qui le côtoyèrent durant ces trente-trois ans de vie parmi eux.

« D’une certaine manière, O Jésus, il vaut mieux te reconnaitre dans ce pain que te voir en ton propre corps. Des incroyants ont pu voir ton corps mais ils n’ont pas su voir que tu étais présent dans le Pain de la vie » écrit st Éphrem de Nisibe… en effet, ce n’est que par la foi, et par rien d’autre, que nous pouvons reconnaitre dans le pain et le vin consacrés, le corps et le sang du Christ.

Oui, dans la Communion nous devenons ce que nous recevons. Cette Nourriture est indispensable à la vie de notre être chrétien. Pour utiliser une image audacieuse mais que je crois vraie : l’Eucharistie est la consommation du mariage entre le Christ et l’Église ; une vie qui se voudrait chrétienne sans la réception de l’Eucharistie, est semblable à un mariage ratifié mais non consommé !

On comprend que cette réception de l’Eucharistie exige de nous que nous soyons en état de le recevoir dans un cœur purifié, notamment par la réception du sacrement de Pénitence et de Réconciliation. Nous serons toujours en deçà de la sainteté qu’un tel Don appelle de notre part ; le Seigneur n’attend pas que nous soyons parfaits pour recevoir l’Eucharistie ; c’est pourquoi, très justement, la liturgie nous fait dire avant de communier, dans la Messe : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir » ; le Christ n’attend pas que nous soyons parfaits pour le recevoir, précisément, ce sacrement nous est donné pour nous aider à devenir parfait, à devenir saint.

Personne n’est parfait au sens de « sans péché » mais le Seigneur attend de notre part une humble disposition de foi… « Dis seulement une parole, et je serai guéri »…

Achevons avec ces paroles de la célèbre hymne de st Thomas d’Aquin – que nous chantons dans ce monastère en français, l’Adoro te : « Jésus que je contemple maintenant voilé, je vous en prie, réalisez mon ardent désir : que j’ai le bonheur de vous voir un jour face à face dans votre gloire ».

Oui, frères et sœurs, l’Eucharistie est le mode inventé par Dieu pour rester à tout jamais l’Emmanuel, le Dieu avec nous jusqu’à la fin des Temps.

« Maranatha, viens Seigneur Jésus »

Amen !

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